Morgan Le May, le garde-fou juridique de l’hôpital

Les métiers de l’ombre de l’hôpital. À 31 ans, Morgan Le May est juriste au CHU de Brest. De la gestion des réclamations aux conseils en passant par la rédaction des contrats, son expertise est très sollicitée.
Rencontre
« Après 5 ans d’activité ici, j’ai encore des amis qui me demandent ce que je fais. Un boulanger, lui, on sait. Un juriste à l’hôpital, c’est moins clair. » Ni blouse blanche ni robe noire, il est pourtant le couteau suisse de l’hôpital de Brest en matière juridique et son expertise est sollicitée chaque jour. Niché au quatrième étage du bâtiment, Morgan le May a délibérément choisi d’exercer dans le monde médical.
Après un Master de droit à Quimper puis à Rennes, Morgan se spécialise dans le droit des données à caractère personnel, « mon dada ! ». Il enchaîne avec un poste au « Voyage à Nantes » où il s’occupe de contrats de propriété intellectuelle, puis un autre à Bobigny où il accompagne des personnes en curatelle. « Une parenthèse sociale terriblement humaine face à une grande misère sociale », avant de revenir sur sa terre natale.
Les réclamations en hausse
Embauché au CHU de Brest en 2016, Morgan Le May découvre le monde de l’hôpital et ses problématiques. Les réclamations de patients, environ 60 à 70 dossiers par an, qui s’estiment victimes de préjudices et réclament des dommages et intérêts. La très grande majorité des dossiers se résout à l’amiable. Les autres vont jusqu’au contentieux. La plupart de ces plaintes portent sur des suites opératoires qui n’auraient pas eu le résultat escompté. « Toute la question est de savoir s’il y a faute de l’hôpital ou si le résultat ressort d’une évolution postopératoire normale. On ne récupère pas d’une opération du genou à 70 ans comme à 20 ans. » Éléments médicaux en main, Morgan Le May et son service juridique vont alors confier le dossier au médecin expert de l’assurance qui tranchera en faveur du patient ou non. « Nous connaissons une véritable inflation de ce type de procédures depuis 2015 environ. »
Cette activité en hausse ne constitue pourtant pas l’essentiel de son métier. « Je passe beaucoup plus de temps à répondre à des questions précises émanant de la Direction générale, des directeurs de ressources humaines, de la recherche, des soignants ou des médecins. »
Aider les équipes dans leurs décisions
Des conseils, des éclairages juridiques pouvant porter sur des sujets tels que le refus de soins d’un malade ou l’isolement et la contention d’un patient en psychiatrie. « Des lois existent pour encadrer ce type de problématique, mais l’on peut toujours chercher des solutions à travers l’interprétation des textes pour aider les équipes dans leur décision. »
Soumis au respect du Règlement général sur la protection des données, garant du secret médical, l’hôpital est un terrain de jeu rêvé pour Morgan. Que ce soit les données personnelles concernant les patients ou les sous-traitants, les fiches de paye des agents hospitaliers, tout doit être strictement encadré et scruté à la loupe. « Je dois en permanence m’assurer de la conformité du CHU à ce règlement. Avec les innovations technologiques, les futures salles d’attente connectées, les données personnelles vont prendre de plus en plus d’importance dans le domaine de la santé. »
Les contrats qui lient l’hôpital avec certaines start-up porteuses de projets innovants sont ainsi passés au crible pour traquer ces données personnelles. « Le partenariat qui nous lie avec la jeune start-up Oso AI pour tester son outil de détection des bruits dans la chambre des patients a été extrêmement encadré pour ne garder que les bruits de chutes et non les voix, par exemple. »
La crise sanitaire a encore exacerbé ce recours au droit. Dès mars 2020, le CHRU Brest se dote de « Cellules de soutien éthique Covid-19 » regroupant des représentants de diverses disciplines. Chaque semaine, les mêmes questions. Quel isolement pour les patients atteints de Covid ? Quel droit de visite ? Selon quel protocole ? « Au début, nous n’avions pas de réponse. Puis, nous avons pu avancer et donner un cadre juridique à nos recommandations. C’est le côté passionnant de ce métier. Sortir de sa zone de confort pour apprendre en permanence. »
Laurence GUILMO – Ouest France du 28/07/21
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