La « navithérapie », un soin psychique

25/11/2024
Navithérapie

Le 30 octobre dernier, une équipe de la psychiatrie brestoise a pris le large le temps d’une après-midi. L’équipe de l’UniTEA (Unité d’accueil et d’accompagnement des troubles émergents de l’adolescent et du jeune adulte) a accompagné des jeunes suivis pour des troubles d’allure psychotique pour une sortie thérapeutique à bord d’un vieux gréement de la rade de Brest, le Loch Monna.

Le rendez-vous était fixé au port du Tinduff, sur la presqu’île de Plougastel-Daoulas. Le ciel ce matin-là était aussi maussade que le patron du voilier sait se faire chaleureux : Yann Roger a l’habitude d’accueillir toujours avec un large sourire les néophytes comme les passionnés de l’environnement marin. Les consignes de sécurité d’usage rappelés, soignants comme soignés harnachent alors leur gilet de sauvetage et prennent la mer. Au menu : direction la pointe du Bindy puis remontée plein Est par jolie brise en direction de l’abbaye de Landévennec. Sur ce lourd coquillier de 11 m de long, il faut des bras pour effectuer les manœuvres et patients comme soignants s’y emploient avec vigueur. Au retour, l’équipage croise quelques phoques en voyant défiler sur la gauche la forêt sauvage de la presqu’île de Crozon.

Mais à quoi sert donc de faire naviguer des patients atteints de troubles psychiques ? Un bateau, quand on y pense, c’est un microcosme du lien social. C’est un outil, une formidable excuse pour proposer du soin psychique dans toute sa complexité :

- Soin physique d’abord : un voilier nécessite un effort proprioceptif permanent pour adapter le centre de gravité à l’assiette changeante du voilier. Les manœuvres nombreuses permettent également de mettre en mouvement le corps, et l’on sait combien l’activité physique est un facteur de rétablissement et de mieux-être chez les patients atteints de troubles psychiques, d’autant plus que certains d’entre eux prennent des traitements psychotropes qui induisent souvent des troubles métaboliques importants.

- Soin psychique ensuite. D’un point de vue purement neuropsychologique, la pratique de la voile vient travailler des fonctions exécutives mises en difficulté par la maladie : inhibition, prise de décision, concentration. Une patiente très inhibée socialement a pu par exemple faire l’expérience que l’équipage entier avait confiance dans sa capacité à prendre des décisions pour orienter le bateau lorsqu’elle tenait la barre. Faire naviguer des gens ensemble est également une forme de mise en chantier collective du désir : à une époque qui a tendance à fragmenter le soin comme les individus, soigner l’individu c’est également recréer du collectif. Les patients voient ainsi les soignants et d’autres patients participer à cette activité à égalité avec eux, ce qui a tendance à favoriser une relation de confiance accrue et donc une meilleure alliance thérapeutique.

- L’élément maritime, enfin : L’eau est un élément qui entoure, enveloppe et porte. Chez ces personnes dont les troubles psychiques s’inscrivent souvent dans des expériences précoces de négligence et de maltraitance, l’eau vient bercer un corps qui n’aurait pas été suffisamment soigné par le passé.  Utiliser l’environnement naturel permet incidemment aux patients de s’inscrire dans une historicité en se donnant la possibilité d’évoquer leur lien intime, souvent familial, avec la mer.

​​​​​​​Le père Jaouen, créateur de l’association du Bel Espoir, avait cette jolie formule pour résumer les bienfaits de la mer : « le mélange des gens, en difficulté ou pas, pour le bien de tous ». C’est ce qu’aura essayé de faire l’équipe de l’UniTEA le temps d’une après-midi.