Abdalla, brancardier, chante pour les patients

Abdalla, 52 ans, est brancardier à l’hôpital de la Cavale Blanche depuis 25 ans.
Un métier passionnant et riche en contacts humains.
Ouest-France – 05.10.2021
Rencontre
Blouson de cuir, jean, baskets au pied, Abdalla a la carrure athlétique d’un sportif. Et de fait. Avec près de 15 km parcourus chaque jour, une moyenne de 25 patients transportés en lits, brancards, fauteuils roulants ou à pied, le métier requiert une bonne condition physique.
« Certains lits font jusqu’à 250 kg à eux seuls, il faut savoir les manœuvrer, les diriger. Mais j’aime marcher ! » sourit Abdalla.
Arrivé en 1996 à la Cavale Blanche, Abdalla a vu toutes les transformations du métier. « Au début, nous étions affectés à des services comme la radio ou la médecine nucléaire. Depuis 2014, tout est centralisé et nous couvrons les besoins de tous les services sans distinction, exceptés les urgences, la réanimation, les soins intensifs et le transport des corps. »
Le medley Goldman
Debout à 6 h, Abdalla arrive à l’hôpital pour 7 h 30, enfile sa tenue et réceptionne sa première course sur son portable. Le plus souvent, il s’agit d’amener un patient au bloc opératoire. Aller le chercher dans la chambre, vérifier son identité, le descendre après avoir arpenté des centaines de mètres de couloir. « Chaque patient est différent mais beaucoup ont besoin de parler à ce moment-là. Que ce soit pour confier leurs craintes ou me parler du match du foot de la veille pour parler d’autre chose… » sourit Abdalla.
Certains patients préfèrent le silence, un mutisme qui ne lui fait pas peur. « Dans ces cas-là, je chante. Parfois je leur demande ce qu’ils veulent entendre. Je suis un vrai juke-box à moi tout seul. Un jour, j’ai fait un medley de Jean-Jacques Goldman à une dame qui m’a remercié de lui avoir permis d’entendre son chanteur préféré. »
Parfois un défouloir
Son patient confié au bloc, Abdalla n’attend pas longtemps sa deuxième course. Manuelle jusqu’en 2018, la régulation des brancardiers est aujourd’hui entièrement automatisée. Les 26 brancardiers en service chaque jour, sur les 33 que compte l’hôpital, sont géolocalisés en temps réel pour être immédiatement réaffectés sur la course la plus cohérente avec leur emplacement et leur disponibilité.
« Pour être un bon brancardier il faut également avoir un bon sens de l’orientation, explique Abdalla. Ici, nous avons quatre bâtiments reliés entre eux par les sous-sols, ce qui nécessite d’avoir une parfaite connaissance de la géographie des lieux. »
Son métier est fait de rencontres, d’échanges et de liens avec leur richesse humaine et parfois leur difficulté. « Nous sommes les réceptacles de beaucoup de choses. Et de beaucoup d’émotion. De belles choses souvent, de belles histoires… Mais nous servons aussi de défouloir pour certains patients qui ont besoin de s’en prendre à quelqu’un. »
Évacuer les mauvais moments, c’est assurément le parti pris par Abdalla. Certaines histoires continuent d’ailleurs à le faire sourire. Comme ce couple âgé acheminé au scanner qui a tenu à lui offrir un pourboire « pour que je puisse m’acheter un petit pain au chocolat pendant ma pause ! »